Lettre à la Gazette des Écoles

Ce 3 décembre 1830.

Monsieur,

La lettre que M. Guigniault a inséré hier dans le lycée, à l’occasion d’un des articles de votre journal, m’a paru fort inconvenante. J’ai pensé que vous accueilleriez avec empressement tout moyen de dévoiler cet homme.

Voici des faits qui peuvent être attestés par quarante-six élèves.

Le 28 juillet, au matin, plusieurs élèves de l’École normale, désirant aller au feu, M. Guigniault leur dit, à deux reprises, qu’il pourrait appeler la gendarmerie pour rétablir l’ordre dans l’école. La gendarmerie le 28 juillet !

Voilà l’homme qui, le lendemain, ombragea son chapeau d’une immense cocarde tricolore. Voilà nos libéraux doctrinaires !

Sachez aussi, Monsieur, que les élèves de l’École normale, mus par un noble patriotisme, se sont présentés tout dernièrement chez M. Guigniault, pour lui manifester l’intention où ils étaient d’adresser une pétition au ministre de l’instruction publique, pour avoir des armes, s’exercer aux manœuvres militaires, afin de pouvoir défendre le territoire en cas de besoin.

Voici la réponse de M. Guigniault. Elle est tout aussi libérale que sa réponse du 28 juillet :

« La demande qui m’est adressée nous couvrirait de ridicule ; c’est une imitation de ce qui s’est fait dans les collèges : cela est venu d’en bas. Je ferai observer que lorsque pareille demande fût adressée par les collèges au ministre, deux membres seulement du conseil royal votèrent pour, et ce furent précisément ceux du conseil qui ne sont pas libéraux. Et le ministre a accordé : c’est qu’il a craint l’esprit turbulent des élèves, esprit pitoyable, qui paraît menacer d’une ruine complète l’Université et même l’École Polytechnique. »

Au surplus, je crois que sous un certain rapport, M. Guigniault se défend avec raison du reproche de partialité pour la nouvelle École normale. Pour lui, rien n’est beau que l’ancienne École normale, tout est dans l’ancienne École normale. Dernièrement, nous lui avons demandé un uniforme ; il nous l’a refusé : à l’ancienne école, il n’y en avait pas. On faisait trois années d’étude à l’ancienne école ; on avait reconnu, lors de l’institution, l’inutilité d’une troisième année, M. Guigniault a obtenu qu’elle fût rétablie.

Bientôt à l’instar de l’ancienne École normale, nous ne sortirons qu’une fois par mois et nous rentrerons à cinq heures. Il est si beau d’appartenir au régime de l’école qui a produit MM. Cousin et Guigniault !…

Tout en lui annonce les idées les plus étroites et la routine la plus complète.

J’espère, Monsieur, que ces détails ne vous déplairont pas, et que vous voudrez bien en tirer, dans votre estimable feuille, tout le parti possible.

Agréez, etc.

Un élève de l’École normale

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